L’université Paris Nanterre propose depuis février 2022 une formation de Diplôme universitaire (niveau Master 2) dédiée à la Recherche de provenances des œuvres d’art.
Proposée conjointement par le département d’Histoire de l’art et d’archéologie et l’UFR de Droit et de Sciences Politiques, la formation vise à former au métier de chercheur de provenances, de jeunes diplômés et professionnels initiés à l’histoire de l’art et/ou au droit, aussi bien au sein d’institutions muséales, internationales que sur le marché de l’art.
Le contexte de la recherche de provenances
Depuis quelques dizaines d’années est née, notamment en Allemagne, la discipline de la recherche de provenances : « elle se conçoit comme une approche critique du contexte historique dans lequel furent acquis des œuvres d’art, des artefacts divers et des collections entières. Cela comprend une analyse des acquisitions dans les collections publiques et privées ainsi que des interdépendances transnationales du transfert du patrimoine culturel, en particulier dans le contexte d’injustices liées à la colonisation ou au régime national-socialiste. La recherche de provenance relève du travail des musées, des bibliothèques, des archives et du marché de l’art » (source : https://provenienzforschung.ch). L’obligation d’étudier la provenance des collections est formulée explicitement dans le code de déontologie des musées de l’ICOM (2017), comme une part essentielle de la mission scientifique du musée.
Développée notamment à l’initiative de cabinets juridiques spécialisés, la recherche de provenances est rendue indispensable par trois phénomènes incontournables :
- la poursuite du règlement des conséquences des crimes de la Seconde Guerre mondiale ;
- la prise en compte des collectes et appropriations advenues dans les contextes coloniaux et la redéfinition des liens entre anciennes puissances coloniales et peuples anciennement colonisés ;
- la lutte contre la circulation illégale de biens patrimoniaux causée par les conflits armés contemporains, les révolutions et le développement immobilier sauvage.
Des besoins nouveaux
L’activité de recherche de provenances s’est développée activement ces dernières années dans un certain nombre d’institutions et de structures muséales en Allemagne, Autriche, Australie, Belgique, Brésil, Canada, aux Etats-Unis, en Israël, Italie, Namibie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suisse…. Avec la création exponentielle d’établissements muséaux et de lieux patrimoniaux en Afrique, en Asie, au Proche et Moyen-Orient, la montée des revendications patrimoniales nationales, désormais les compétences en histoire des collections, en étude matérielle des objets, et en analyse historique sont devenues essentielles pour les professionnels. L’impact des conflits armés récents, mais aussi l’essor du marché de l’art en ligne, ne font que renforcer la nécessité de documenter et d’inventorier les collections, de disposer de spécialistes expérimentés, connaisseurs des outils et procédures d’enquêtes.
Le Diplôme Universitaire « Recherche de provenances des œuvres. Circulations, spoliations, trafics illicites, restitutions » entend répondre par un programme approfondi et une méthodologie rigoureuse à une triple demande :
- le besoin des institutions nationales et internationales d’assainir le contexte des circulations des œuvres (musées, institutions culturelles, archives, centres de documentation, institutions de protection patrimoniale de type UNESCO, ICCROM, ministères, etc.) et la nécessité de traiter les demandes de restitution
- une demande des acteurs du marché de l’art, des juristes et des propriétaires des œuvres, que ce soient les propriétaires actuels ou les réclamants, désireux d’établir scientifiquement l’historique de celles-ci et la légitime propriété : maisons de vente aux enchères, plateformes de vente en ligne, marchands, experts, courtiers, collectionneurs, compagnies d’assurances, généalogistes, avocats spécialisés…
- l’intérêt des étudiants et des jeunes générations pour ces problématiques qui correspondent à une quête de justice et d’équité sociales et historiques.
Un Diplôme universitaire inédit, interdisciplinaire et collaboratif
La formation proposée par l’université de Paris Nanterre, unique en France dans son format long (230 heures) et dans son contenu, articule de manière approfondie les différents aspects de la circulation des œuvres et de la recherche de provenances : spoliations, restitutions, trafics illicites. Déclinée en cours, ateliers, visites, elle dispense un enseignement méthodologique détaillé sur la recherche documentaire et des savoirs théoriques, historiques, géopolitiques et pratiques intégrant l’analyse matérielle des biens.
S’appuyant conjointement sur les forces spécialisées de l’université Paris Nanterre (droit international, histoire de l’art et du patrimoine, anthropologie de l’art, archéologie de terrain etc.), sur son ancrage sociétal et sa vocation internationale, mais aussi sur les liens étroits avec les institutions muséales et patrimoniales à l’échelle régionale, nationale et internationale, le Diplôme universitaire bénéficie du profil interdisciplinaire de ses enseignants : historiens de l’art, archéologues, juristes, anthropologues, conservateurs du patrimoine, documentalistes, archivistes, professionnels des musées, du marché de l’art, policiers spécialisés, etc.
Il profite en outre d’un écosystème de recherche très favorable tourné vers ces thématiques :
- au sein du centre de recherche Histoire des arts et des représentations (HAR) et du Labex Passés dans le Présent (thèmes de recherche : Arts et mémoire, Musée, guerre, génocide, catastrophe…) de l’université
- dans le voisinage immédiat, sur le campus de Nanterre, des fonds documentaires de La Contemporaine, bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), très riches sur la Seconde Guerre mondiale, l’héritage des décolonisations, les crimes de guerre et les crises contemporaines (archives, photographies, documents audio, ouvrages)
- dans le réseau des partenaires de la Communauté d’universités et d’établissements (COMUE) Paris Lumières qui comprend de grandes institutions patrimoniales (musée du Louvre, musée du Quai Branly, BnF, Palais de la Porte Dorée / Musée d’histoire de l’Immigration, Archives nationales, Centre Pompidou, INA, université Paris 8 Vincennes-Saint Denis)
La formation du Diplôme universitaire relève enfin le défi d’une formation en direct par l’outil numérique enrichie d’un séjour d’étude actif à Paris, et veille à encourager l’émergence d’un esprit de promotion par le profil complémentaire et varié des étudiants et par la mise en œuvre de travaux collaboratifs, propices à la création d’un réseau intellectuel et professionnel stimulant.
